Le BDSM, un éventail de pratiques sexuelles impliquant des échanges de pouvoir et de soumission, est plus répandu qu'on ne le pense. Cet article explore les profils et motivations des adeptes en France, les impacts sur la fonction sexuelle ainsi que les réalités psychologiques.
📊 Bon à savoir
Une analyse de la clientèle du site Dèmonia en mars 2021 montre que 40% des clients sont des femmes, en augmentation par rapport à 34% en 2017. Les 18-34 ans représentent 47% des consommateurs.
Profil et motivations des adeptes du BDSM
Si les pratiques BDSM (bondage, discipline, domination, soumission, sadisme et masochisme) sont encore souvent entourées de mystères et de préjugés, une étude menée en mars 2021 par le site Dèmonia, spécialisé dans cet univers, offre un éclairage inédit sur le profil et les motivations des adeptes en France.
Une popularité croissante auprès des femmes et des jeunes
Loin des idées reçues associant le BDSM à des fantasmes masculins, l'analyse des comportements d'achat sur Dèmonia entre 2017 et 2021 révèle que 40% de la clientèle est féminine, contre seulement 34% quatre ans plus tôt. Les jeunes sont également bien représentés, avec 47% des consommateurs âgés de 18 à 34 ans, dont 19% ont entre 18 et 24 ans.
Le BDSM, un moyen de sortir des normes établies
Selon Daniel Salem, dirigeant de Dèmonia, cette démocratisation des pratiques BDSM auprès des femmes s'explique par "la popularisation du sex-toy, associée à la migration des sexshops en ligne", qui aurait brisé les dernières barrières les freinant à s'aventurer dans cet univers. Du côté des jeunes, leur attrait pour le BDSM soft répondrait à "une volonté de sortir d'un système qui ne leur correspond pas", en adoptant des codes plus punk et rebelles, en phase avec l'esprit fétichiste.
Une découverte par les médias traditionnels
Si l'on pourrait imaginer que les adeptes du BDSM et du vinyle ont toujours été attirés par ces pratiques, le sondage réalisé par Demonia montre que 46,5% d'entre eux y sont venus progressivement. Leur première prise de contact s'est faite principalement par les médias traditionnels :
- 52% ont découvert le BDSM via les livres, magazines et films
- 26,1% par le hasard des rencontres
- 17% grâce aux sites internet
Des motivations centrées sur le couple
Contrairement aux idées reçues, les adeptes du BDSM et du libertinage ne pratiquent pas uniquement avec des partenaires occasionnels. Au contraire, 67,7% d'entre eux réservent leurs jeux de rôle à leur partenaire régulier exclusivement, tandis que 18,1% seulement le font avec des tiers.
Leurs principales motivations sont :
- 57,2% pour répondre à des fantasmes profonds
- 53,9% pour pimenter leurs relations sexuelles en couple
- 28% estiment même que le BDSM apporte une véritable stabilité à leur couple
Loin des clichés, les pratiques BDSM (collier de soumission, fouets, menottes, bondage...) semblent donc s'ancrer dans une quête de renouveau et d'épanouissement au sein du couple, tout en permettant d'explorer ses désirs les plus intimes.
Impacts du BDSM sur la fonction sexuelle
Les comportements liés au BDSM sont de plus en plus répandus dans la population générale, et leurs effets sur la fonction sexuelle font l'objet de nombreuses études. Une récente enquête finlandaise apporte un éclairage édifiant sur ce sujet.
Une amélioration de la fonction sexuelle chez les adeptes du BDSM
Publiée le 8 mai 2023 dans la revue Archives of Sexual Behavior, cette étude s'appuie sur les données de près de 25 000 jumeaux finlandais interrogés entre 2006 et 2022. Avec un âge moyen de 35 ans, environ deux tiers des participants étaient des femmes, dont 79% se déclarant hétérosexuelles. Les chercheurs ont évalué les formes de fétichisme des participants, ainsi que leur niveau de détresse sexuelle.
Les résultats révèlent que chez les hommes, la pratique du BDSM est corrélée à :
- Moins de symptômes de dysfonction érectile
- Une meilleure fonction d'éjaculation en moyenne
- Une satisfaction sexuelle légèrement supérieure
Chez les femmes pratiquant le BDSM, on constate une fonction sexuelle globale légèrement améliorée par rapport à celles qui ne le pratiquent pas.
Une corrélation positive mais des nuances à apporter
Comme le soulignent les auteurs de l'étude,
"Les comportements BDSM sont corrélés à la fonction sexuelle pour les deux sexes, à une meilleure fonction d'éjaculation pour les hommes et à une meilleure fonction sexuelle globale pour les femmes."
Cependant, il convient de nuancer ces résultats. L'étude met aussi en lumière une hausse de la détresse sexuelle parmi les adeptes du BDSM, tant chez les hommes que chez les femmes. Les auteurs confirment que
"l'adoption de comportements BDSM est associée à une détresse sexuelle accrue."
De plus, la conception de l'étude ne permet pas d'établir un lien de cause à effet entre ces pratiques et leurs effets observés. Il est donc impossible de déterminer si le BDSM améliore réellement la fonction sexuelle, ou si ce sont au contraire un meilleur fonctionnement sexuel initial ou une détresse accrue qui poussent les individus à adopter ces comportements.
Des associations qui suggèrent peu de différences avec la population générale
Au final, les associations mises en évidence par cette étude finlandaise suggèrent qu'il n'existe pas de réelles différences majeures, sur le plan de la fonction sexuelle, entre les personnes pratiquant le BDSM et celles qui ne le pratiquent pas. Les écarts observés, bien que significatifs, restent relativement faibles dans les deux sens (amélioration et détresse).
Ces résultats illustrent la complexité d'appréhender les pratiques BDSM et leurs impacts, qui semblent fortement dépendants des individus, de leurs motivations et de leur vécu personnel. Des études complémentaires, à plus grande échelle et dans d'autres contextes culturels, permettraient d'affiner la compréhension de ces phénomènes.
Les mythes et réalités psychologiques des adeptes
Les pratiques liées au BDSM (bondage, domination, soumission et sadomasochisme) sont souvent considérées comme le reflet de traumatismes psychologiques ou d'expériences négatives vécues durant l'enfance. Cette perception remonte aux analyses de figures scientifiques comme Freud ou Robert Stoller, qui établissaient un lien entre le BDSM et les troubles psychologiques. Pourtant, une étude belge récente remet en question ces croyances longtemps ancrées.
Une étude belge contredit les idées reçues
Publiée en 2021 par Alana Schuerwegen du Collaborative Antwerp Psychiatric Research Institute, cette étude s'est penchée sur les expériences d'enfance de 256 adeptes du BDSM, les comparant à celles de 300 personnes non pratiquantes. Les résultats sont sans appel : loin de chercher à réparer des traumatismes, les participants pratiquant le BDSM présentent des types d'attachement plus sécurisés que la population non-BDSM. Ils sont capables de se rapprocher émotionnellement de leurs partenaires en toute confiance, sans manifester d'attachement anxieux ou évitant.
Des personnalités ouvertes aux nouvelles expériences
Qui plus est, l'étude décrit les adeptes du BDSM comme des personnes curieuses, avides de sensations fortes et promptes à s'adapter à de nouvelles situations. Loin de l'image souvent véhiculée, ils semblent former un groupe épanoui, à la recherche de nouvelles expériences plutôt que hanté par un passé douloureux.
Schuerwegen, Alana et al (2021) "La psychologie du BDSM : une étude transversale sur les rôles de la recherche de sensations et des styles d'adaptation dans les intérêts liés au BDSM". Archives du comportement sexuel.
Le BDSM comme voie vers l'épanouissement
Cette remise en question des idées reçues trouve un écho concret dans le témoignage de Muriel, une adepte du BDSM âgée de 44 ans. Mère de deux enfants, cette secrétaire de direction a trouvé dans ces pratiques un chemin vers la guérison psychologique, notamment après avoir été diagnostiquée d'un cancer du col de l'utérus en 2007.
"C'est comme si j'avais perdu tout ce qui faisait de moi une femme, ce qui me représentait en tant qu'individu : les règles, la maternité, la libido." confie-t-elle à l'antenne de France Bleu en 2024.
Confrontée à cette épreuve dévastatrice, Muriel a trouvé dans le BDSM, pratiqué dans le respect et la communication avec ses partenaires, un moyen de se reconnecter à ses désirs profonds et de reprendre confiance en elle.
La communication et le consentement, au cœur de la pratique
Pour Muriel, le consentement mutuel et la discussion ouverte avec ses partenaires sont les clés d'une pratique saine et épanouissante du BDSM.
"Avant qu'on passe à l'acte, il y a toujours des discussions, une rencontre, on fixe les règles", explique-t-elle.
L'essentiel à retenir sur les adeptes du BDSM en France
Les études récentes remettent en cause les idées reçues sur le BDSM. Loin d'être réservé à une frange marginale, ces pratiques séduisent un public de plus en plus large et semblent bénéfiques pour l'épanouissement sexuel. À l'avenir, on peut espérer une meilleure compréhension et acceptation de ces pratiques dans la société, à condition qu'elles respectent les règles de sécurité, de consentement et de communication entre partenaires.